Christmas picture
Je suis en retard. Il faut vite manger quelque chose avant d’y aller. Ça va être long.
Sur le contrat il est précisé : jusque 18h30. C’est la qu’il y a le plus d’affluence.
Se garer pas trop loin, mais pas trop près non plus, c’est précisé dans le mail.
On ne doit pas me reconnaître, même si c’est peu plausible. Il faut protéger le rêve, l’encapsuler.
Je ne trouve pas de place. Il faudrait une place réservée comme pour les artistes. Je sais que ce n’est pas de l’art. Mais je souris, sans pause, pendant 6h00. C’est une performance.
Un jour peut-être ce sera vu comme un art ancien, vintage. Quand plus personne ne voudra faire photographier son enfant sur les genoux d’un vieil homme en rouge, par que c’est trop risqué, parce que des pedophiles partout, et des traumas par milliers. On regardera alors ces clichés avec nostalgie, et regret.
J’entre dans la petite salle où l’on doit se changer. Sur une chaise, mon costume, mes accessoires et mon nom dessus. Je prends soin de bien positionner mon coussin sur le ventre, enfile ma barbe, ajuste le bonnet. Il clignote fort. Je pense aux épileptiques, aux autistes. Un jour le bonnet clignotant sera banni. Je m’éclaircis la gorge et répète le ohoh.
Dans quelques heures, de retour chez moi, je verrai sur les réseaux les photos du jour avec le hashtag « père noël 2023 » Dans trois jours on me virera l’argent, juste avant noël. De l’argent contre des souvenirs. Contre une contact, deux bras et deux genoux, un mot réconfortant qui ne réconforte pas toujours.
J’entre dans le chalet. Les hauts parleurs crachent du Maria Carrey. Tout est en place. Je m’assois sur mon large fauteuil et accueille le 1er candidat, un benjamin, 6 ans, sage évidemment. Il voudrait un casque de réalité virtuelle parce qu il aimerait vivre ailleurs que dans sa maison.
Nous prenons la pause, avant de se souhaiter un Joyeux noël contractuel.