Julia
Julia et Vincent sont assis sur le rebord de la fenêtre. Depuis plusieurs semaines, ils se retrouvent chaque jour ici, dans cette ruelle, vers 13h00. Il fait chaud.
Elle porte une jupe patineuse, courte, rose. Pas de talons, des chaussures plates. Elle pose un peu. Travaille ses angles, les épaules en arrière, le visage légèrement penché. Ne parle pas, se laisse regarder et regarde ailleurs.
Il l’examine. Ne dit rien, savoure le moment. Dans 20 minutes il faudra pointer. En attendant, il observe : ses jambes, ses chevilles, sa silhouette singulière. Elle soupire. Alors qu’il achève de la scanner, il entend un son, qui est un mot. Elle a dit : “prêt". C’était une question : “prêt?”. il n’est pas sûr de comprendre. Il réajuste ses vêtements et part pointer, quelques rues plus loin.
Sur le chemin, il fait raisonner le mot. Elle a lancé les hostilités. Il devra réagir.
Vincent a souvent pensé à la manière dont il lui ferait comprendre qu’il sait. Elle attend le geste qui dénouerait tout. Qui validera son choix à lui d’être avec elle.
Elle sait qu’il sait. Qu’il a compris d’où elle venait. Un seul geste dénouerait tout. Pas besoin d’expliquer, de raconter. Les transitions, les translations. Tout le monde en vit. La sienne est juste plus complexe, plus complète. Elle n’a gardé qu’un bout de prénom. Tout le reste a été modifié, arrondi, ostrogeneisé.
Lui n’a rien changé. Son désir, sa masculinité, sa peau, tout est d’origine. Sa peur aussi.
Atelier d’écriture -22/05/2024