Face à un homme silencieux

Nous avons pris rendez-vous. 8 avril. Une journée pour se parler.

J’arriverai vers 10H. Nous marcherons depuis la maison jusqu’à la plage.

Après déjeuner, nous irons essayer de parler sur une autre plage, un râteau à la main.

Il n’osera pas me poser LA question. Je n’oserai pas l’aider à la poser.

Nous ramasserons en silence nos coquillages. Nous nous féliciterons de notre collecte.

Avant de se quitter, nous essayerons une dernière fois de nous dire quelque chose d’important. Nous nous donnerons du courage, une bière à la main.

Il me raccompagnera à la voiture. Je lui dirai, après avoir longuement hésité, que c’était une belle journée. Je le regarderai partir. J’attendrai quelques minutes, au cas où il rebrousserait chemin pour dire.

Il est parti. Nous ne nous parlerons pas aujourd’hui.

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 Je vais essayer de répondre à ta question.

C’est une question très difficile et un peu injuste.  On ne demande pas à celles qui en ont pourquoi elles en ont.

Je vais essayer de te répondre. Même si, au fonds, ta question a moins pour but de comprendre que de savoir : en aura-t-elle ou pas ?

Je pourrais laisser le temps travailler pour moi. Un genre de réponse automatique.

Mais cette question m’obsède aussi.

Les croyances et les attentes qu’elle contient me paralysent.

Elle me plonge dans les sables mouvants. Il me faut dire, et même contredire, pour m’extraire.

Pourquoi ne l’ai-je pas moi, ce  désir ? Je ne veux pas me distinguer. Pourquoi est-ce plus grave pour moi que pour V, à qui l’on ne demande rien ?

Tu veux être grand-père.

Tu l’es déjà.

Tu dis : les autres ont plusieurs petits-enfants.

Tu dis : et puis c’est le sens de la vie… il faut transmettre.

Tu as eu ma réponse. Tu es triste et déçu et je suis de sable revêtue.

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Telepathe