Engagement (texte pour l’ADEC 56)

Juste après la représentation, on savoure, on tremble, on se relâche. On oublie, à ce moment précis, tout ce qui a précédé le salut.

Ces soirs-là, nous avons fait de notre mieux, malgré le verglas, le Bluetooth qui lâche, les guêpes qui tournent autour de nous alors que nous jouons sous un arbre, le spectateur qui s’endort dans un bâillement, au premier rang, la fièvre. 

Avant cela, il y a eu, pour chaque minute de jeu, une heure de répétition. 60 ou 90, c’est selon. Des filages par dizaines, dans un garage gelé, été comme hiver.

On a traqué les transitions hasardeuses, les gestes inutiles, le cabotinage. On a fait et refait les déplacements, vérifié que le rythme tienne bon, qu’il ne s’affaisse pas. Que le texte sonne. Que ce qui ne peut être caché soit montré, assumé. Que l’ensemble des séquences forme un tout qui fasse un petit plus qu’amateur.

On a créé une affiche. Cousu. Candidaté. Communiqué.

Avant cela, on a fait avec les trains qui retardent, les gardes alternées, les horaires décalés, la concurrence des passions.

On a bricolé un décor, quelque chose de simple et de solide qui puisse rentrer dans une remorque, quand nous voulons jouer hors nos murs.

Parfois, le moral s’est fait la malle, quand le réel est trop lourd,  quand les plannings se court-circuitent, quand l’individualisme grignote, ici comme ailleurs, le collectif.

Avant cela encore, on a cherché des textes.

Une langue, une poésie, quelque chose de singulier.

Des textes qui font un peu mal, qui grattent, qui grincent.

Des textes qui résonnent, qui redonnent au féminin sa juste place et une place à chacun.

Avant cela encore, on s’est cherchés

Au milieu des associations, ou dans un coin de journal.

On a laissé des noms dans un carnet et on s’est rappelés. 

Pour passer à l'Acte.

Pour lutter, à notre manière,

Contre le désincarné, la novlangue,

La vitesse, le prêt-à-regarder.

Pour se rassembler et présenter chaque année, depuis 1968,

Un spectacle.

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